« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! »[1] selon l’adage ou plus exactement la réponse donnée par Jésus à ses disciples. Pour certains cela signifie une séparation stricte entre le temporel et le spirituel, entre l’engagement politique et l’engagement ecclésial.
Pourtant, les croyants d’aujourd’hui s’impliquent dans la vie de la cité, de leur ville, de leur pays. Selon l’enquête Ifop - La Croix du 10 avril, les protestants, les catholiques et les musulmans ont plus votés au premier tour de l’élection présidentielle que la moyenne des personnes se qualifiant « sans religion »[2]. Une bonne nouvelle.
L’engagement citoyen du croyant témoigne normalement des valeurs de l’Evangile et d’une compréhension du projet divin pour tous les hommes. Maintenant, la réalité dépasse bien souvent cette utopie. La réalité des intérêts personnels ou d’une minorité (de quelque forme soit-elle) peut déboucher sur une tension interne et des choix différents de ses convictions. Cela d’autant plus que la hiérarchisation des valeurs dépend de chacun et génère des conséquences bien différentes. Pour preuve, toujours selon l’enquête Ifop-La Croix, les enjeux déterminants du vote : en priorité la santé, le pouvoir d’achat et la sécurité. L’éducation et la lutte contre la précarité ainsi que la protection de l’environnement arrivent bien plus loin dans les priorités.
La fracture générationnelle principalement mais aussi entre les urbains et les ruraux, les diplômés et les non-diplômés se constate ainsi de plus en plus. La polarisation de la vie sociétale se manifeste au quotidien et plus particulièrement au moment des élections, du choix, du vote. Sans trop caricaturer les positionnements, les uns tentent de voir plus loin qu’eux-mêmes, les autres regardent plus à leurs propres intérêts.
Dans tous les cas, la liberté d’expression existe. Liberté où chacun peut exprimer ses opinions, ses convictions et même ses oppositions. Comme l’écrit Steven Pinker « Le désaccord est nécessaire dans les délibérations entre mortels : comme le veut la formule consacrée, plus nous sommes en désaccord, plus il y a de chances qu’au moins l’un d’entre nous soit dans le vrai » [3]. Mais lequel ? Qui a raison ? Complexe surtout au moment d’un choix par le vote démocratique.
La démocratie ! Régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions politiques par le vote serait, selon les termes d’Abraham Lincoln en 1860, le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». En cela la démocratie diffère de la monarchie, de l’oligarchie, de la dictature pour ne citer que ces trois exemples. Les citoyens, pour remplacer la notion de peuple trop galvaudée actuellement, (les citoyens) c’est-à-dire les habitants de la cité organisée exercent le pouvoir. Bien sûr, ce pouvoir s’accomplit par délégation sinon cela serait ingérable. Délégation au Président, aux députés, aux maires entre autres. Le pouvoir du citoyen s’incarne dans le droit de vote, dans la possibilité de choisir, de décider du représentant de tous. Un choix empreint de gravité. L’idéal démocratique prend racine à Athènes au Vème siècle avant Jésus-Christ. Initié par les Grecs, il sera peaufiné à Rome puis par les philosophes des Lumières au XVIIème siècle.
Aujourd’hui, la démocratie s’essouffle. Crises multiples mais surtout de confiance, de déceptions envers les gouvernants, d’exigences accrues, autant de raisons qui font vaciller la démocratie. Malheureusement en écorchant voire en déstabilisant ce modèle de fonctionnement social, des libertés peuvent être mises à mal. C’est le risque mais un risque dangereux.
En s’impliquant, le croyant manifeste son engagement pour que tous, sans discrimination, puissent exprimer leur voix. Pour Dieu, chaque être humain, riche ou pauvre, instruit ou non, homme ou femme, etc. chaque individu est précieux à ses yeux et possède la même valeur. Il peut et doit s’impliquer pour faire valoir ses idées, ses conceptions, ses choix de vie et de société.
Aucun système n’est parfait mais certains permettent une vie plus respectueuse de la Vie avec un grand V, de l’Humain avec un grand H. Il en est de même dans le choix de celles ou ceux qui exercent le pouvoir par délégation. Ils sont là, normalement, pour le bien de tous.
Alors le débat reste nécessaire.
L’engagement démocratique aussi.
Le vote en est l’une de ses manifestations.
Philippe Aurouze
[1] Matthieu 22.21
[2] www.ifop.com/publication/le-vote-des-electorats-confessionnels-au-1er-tour-de-lelection-presidentielle-2
[3] PINKER Steven, Rationalité, Ce qu’est la pensée rationnelle et pourquoi nous en avons plus que jamais besoin, Paris, éd. Les Arènes, 2021, p. 56