Quel curieux contraste il y a entre la dimension supposément universelle des jeux olympiques, et les comptes-rendus qui sont faits dans les journaux nationaux. Ainsi, ce 8 février, l’intégralité des titres parlant des JO sur le site « lemonde.fr » ne parlent que des performances ou contre-performances des sportifs français
N’y aurait-il pas là une forme de chauvinisme ? Derrière cette question purement rhétorique se cache une vraie interrogation sur les motivations du chauvinisme.
Avez-vous remarqué, par exemple, que quand un français « issu de la diversité » gagne, il est français, tout simplement. Quand il perd, on mentionne plus facilement ses origines, ou celle de ses parents, ou celle de ses grands-parents, puisque parfois plusieurs générations se sont écoulées entre l’arrivée d’un immigré et l’advenue de la graine de champion dont il est question.
Je croyais moi-même avoir une tendance au chauvinisme, jusqu’à ce que je lise la définition suivante, tirée du dictionnaire Antidote :
Attachement aveugle et exclusif à sa patrie, à sa région, à sa ville.
Ayant eu le bonheur de voyager un peu, et disposant de quelques éléments de comparaison sur différents styles de vie, différentes cultures, j’ai réalisé que je ne suis pas chauvin, même si je suis très heureux et très privilégié de vivre en France.
L’attachement aveugle est d’autant plus facile que l’on ne s’intéresse pas à autrui, et il me semble qu’il y a deux raisons possibles pour cela
1 soit par incapacité, parce que l’on vit dans une vallée perdue au milieu de l’Himalaya, coupée monde.
2 soit par un manque de volonté de se mettre en perspective, et cette deuxième piste qui va mener notre réflexion.
Le chauvinisme se décline de nombreuses manières différentes. On a par exemple :
- - Le patriotisme ou le nationalisme, basée sur l’idée abstraite de la patrie, de la nation comme idéal transcendant. La France est un phare pour le monde, pourrait penser quelqu’un de nationaliste.
- - Le chauvinisme régional, local, topologique donc. Les lorrains sont des gens arriérés pourrait penser un Alsacien, et inversement. Remplacez lorrain par martiniquais et Alsacien par guadeloupéen, ou ce que vous voulez, d’ailleurs…
- - Le chauvinisme ethnique, ethnocentrisme qui place son ethnie propre comme modèle à suivre pour le reste de l’humanité. Les suprémacismes blancs, noirs, jaunes, sont des ethnocentrismes radicaux.
- - Le chauvinisme religieux dans lequel le système de rites et de croyances est l’idéal transcendant. Même si on connaît mal, et qu’on comprend peu sa religion, le simple fait de se déclarer appartenant à une obédience religieuse peut être un marqueur identitaire fort.
Et au fond, cette notion de marqueur identitaire est au cœur de la notion de chauvinisme : l’individu lambda va ancrer le sentiment de son identité et du sentiment de sa valeur dans un substrat qui lui est externe en grande partie, et pour lequel il n’est pas responsable. A moins que quelqu’un n’ai créé à lui tout seul une nation, une ethnie, une région, une religion, il a objectivement peut de raison de s’enorgueillir d’être «italien, blond, orthodoxe, socialiste »
Et pourtant il en tire de la fierté, de l’orgueil et même parfois un orgueil aveugle, tiré du fait que l’objet de son chauvinisme lui procure dans son imaginaire un élément de supériorité sur autrui. S’il n’y avait qu’un seul pays, une seule langue, une seule religion, une seule culture, le chauvinisme serait tout simplement vide d’objet.
D’où peut-être l’intérêt de déplacer notre fierté vers des valeurs qui ne dépendent pas de simples contigences, mais d’une vision supérieure.
Ce qui m’amène à cet extraodinaire texte de philippiens. Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes;
Nous avons ici un chauvinisme complètement inversé : Dieu qui quitte son lieu, sa patrie, se dépouille de ses attributs divins, de sa gloire pour venir chercher dans la fange une humanité qui le méprise. Pourquoi ? parce que sa patrie, sa nation, son lieu, sa religion, c’est le cœur de l’être humain. Quel magnifique chauvinisme !