
A regarder les cartes présentées dans tous les médias en ce moment, nul doute est permis : l’automne est bien là ! Nous y voyons du jaune, de l’orange, du rouge et même de l’écarlate. Les spécialistes se succèdent pour expliquer l’arrivée inéluctable de la deuxième vague. Impossible, semble-t-il, d’y échapper. C’est ainsi ! Comme une fatalité. Depuis mars 2020, nous sommes plongés dans une spirale infernale où il devient difficile de savoir à cause du flot continue d’avis spécialisés, de débats plus ou moins de qualité sur les médias d’information en boucle, de réglementations plus ou moins claires. Les uns développent un sentiment d’anxiété, de peur et se barricadent chez eux limitant tout contact au strict minimum vital. Les autres, par dépit, par ignorance ou par indifférence -pour ne pas employer des termes plus familiers-, bravent les interdits et poursuivent leur vie sociale, relationnelle comme si de rien n’était. D’où l’apparition de nouveaux clusters, l’affolement des autorités sanitaires et de nouvelles contraintes pour endiguer la propagation du virus.
Le mot est lâché : virus ! Covid-19 ! Impossible de passer à côté en ces temps troublés ici et de par le monde. Peut-être vaudrait-il mieux évoqué d’autres sujets, moins anxiogènes, moins redondants.
Néanmoins, avec cette deuxième vague… Remarquez qu’aucun ne s’exprime en parlant de seconde vague. Le terme second signifiant qu’il n’y aura rien après alors que deuxième peut laisser la place au troisième voire plus. Aucun scientifique ne peut garantir, même avec l’arrivée d’un supposé vaccin, que cette deuxième vague ne sera que la seconde ! Malheureusement.
Néanmoins, disais-je, avec cette deuxième vague, la distanciation physique souvent confondue avec la distanciation sociale –terme consacré-, devient quasi la norme. L’utilisation exponentiel des réseaux sociaux, des plateformes de visioconférence en témoigne. Et en plus, c’est bon pour la planète car cela réduit les déplacements ! L’écologie récupératrice passe par là. Et puis, que de temps gagné. Il semblerait que le télétravail rende plus efficace. A démontrer sur la durée. En effet, l’individu ne peut faire société sans liens, sans relations concrètes, sans proximité. « Des gestes physiques, des expressions du visage, des silences, le langage corporel, voire du parfum, le tremblement des mains, le rougissement, la transpiration sont nécessaires, car tout cela parle et fait partie de la communication humaine. […] La connexion numérique ne suffit pas pour construire des ponts, elle ne suffit pas pour unir l’humanité »[1] écrit le Pape François dans sa dernière encyclique publiée la semaine dernière. Les penseurs, les philosophes, les sociologues, les psychologues, les éducateurs et bien d’autres interpellent la société dans le même sens. Comment faire société à distance les uns des autres ?
La deuxième vague aura des conséquences bien plus dramatique que la première. D’abord parce que nous connaissons maintenant les effets du virus mais aussi parce que les Etats, les personnels de santé, les entreprises auront beaucoup de difficulté à porter à bout de bras l’ensemble d’une société affectée et dont les individus se replient sur eux-mêmes.
A nous d’inventer des formes de proximité nouvelles. A nous d’affuter notre regard afin qu’il perçoive mieux celles et ceux qui décrochent, souffrent d’isolement, de solitude. Et, comme nous le savons que trop bien, nous pouvons être seul au milieu de la foule !
Avec cette deuxième vague, une chance, des opportunités s’offrent à chacun : repenser ses modalités de fonctionnement ; réviser ses priorités ; revoir ses relations ; etc. Peut-être moins mais mieux. Vraisemblablement différemment. « La religion pure et authentique consiste à prendre soin des orphelins et des veuves dans leur détresse »[2] écrivait l’apôtre Jacques au début de l’Eglise naissante. Jésus invitait également ses disciples à prendre soin des plus faibles, des oubliés, des mis-de-côté[3]. C’est d’ailleurs une constante dans toute la Bible.
Avec la deuxième vague, cet état d’esprit demeure voire s’élargit à tous les « en dehors du réseau ». Vous savez, tous ceux dont nous n’avons plus de nouvelles ou seulement par personnes interposées car ils n’apparaissent pas sur Facebook, Insta ou WhatsApp.
Avec la deuxième vague, nous voici responsable de « notre prochain »[4], de notre voisin. Bien plus et certainement mieux qu’avant. C’est compliqué. C’est risqué. Mais c’est le seul moyen de rester société, ensemble.
Et qui sait, soyons utopistes, une fois la pandémie éradiquée, ces nouvelles formes d’entraide, de soutien, de proximité pourront perdurer. L’avenir nous le dira.
Philippe Aurouze
Semaine 2020-42
[1] Pape François, Fratelli tutti, Cerf, Bayard, Mame, 2020, p. 33.
[2] La Bible, Jacques 1.27 (BFC)
[3] Voir entre autres La Bible, Matthieu 25.31-46
[4] Voir l’histoire racontée par Jésus dite La parabole du bon samaritain, La Bible, Luc 10.25-36