Deux articles extraodinairement contrastés parlant du christianisme m’ont interpellé cette semaine.
Le premier s’intitule Guerre en Ukraine : l’Eglise orthodoxe russe en rangs serrés derrière Vladimir Poutine. Son titre est un excellent résumé de son contenu, dont voici toutefois deux extraits édifiants :
Un responsable orthodoxe Russe a affirmé, dans un entretien à la revue religieuse Prikhojanine, reproduit le 13 avril sur le site du patriarcat de Moscou, que « ce qui se passe actuellement n’est pas un conflit entre l’Ukraine et la Russie, c’est le déferlement de la grande apostasie, de peuples entiers qui se détournent de Dieu, c’est l’œuvre de l’ennemi du genre humain. C’est pourquoi [ils doivent] tous soutenir [leur] président et son action ».
Voilà la rhétorique, les thématiques et le vocabulaire religieux pleinement assujettis à projet politique qui ne ressemble ni de près, ni de loin à ce que Jésus a fait sur terre et encore moins à ce qu’il a enseigné. L’envahissement de l’Ukraine, et une guerre brutale qui menace la vie sur terre, les forces de dissuasion nucléaires ont été mis en alerte.
Autre citation : Quant à l’évêque Pitirime de Syktyvkar, dans la République des Komis, il a affirmé : « Tout ce que fait notre président est parfait. Le président est en communion de pensée avec nos saints [et] avec la Russie profonde. »
Si cela n’est pas être aux ordres, je ne sais pas ce que c’est !
En émettant des propositions pareilles, le christianisme n’est même plus inutile, il devient toxique, comme celui qui a voulu voir à toute force un Messie en Adolf Hitler en tordant notamment les prophéties du prophète Esaïe. D’ailleurs les commentaires sur l’article du site lemonde.fr regorgent de propos vilipendant la religion en général, et le christianisme en particulier. L’époque n’est définitivement plus à la nuance et à la précision de la
pensée. Raison de plus pour revenir aux sources du christianisme comme le fait le deuxième article relayant l’appel du Père Delorme :
« Que les évêques de France disent qu’aucune voix chrétienne ne doit aller à l’extrême droite le 24 avril ! »
Face à des mouvements migratoires qui appartiennent à l’histoire naturelle du monde mais dont la réalité est fortement travestie, et par peur de l’essor, dans notre société comme dans le monde entier, d’un islam de plus en plus prégnant, une partie de l’extrême droite en appelle, manifestement avec succès, à une sorte de « contre-offensive » chrétienne… dans une société majoritairement déchristianisée. Mais de quel christianisme s’agit-il ? Certainement pas d’un christianisme se référant au témoignage de Jésus de Nazareth, lui qui a prêché l’accueil de l’étranger, la fraternité universelle ! Il s’agit d’un christianisme sans Jésus ! Il s’agit d’un christianisme transformé en idéologie de haine. D’un christianisme de
l’exclusion de l’autre. Autrement dit : d’un christianisme perverti, d’une hérésie contemporaine.
Cet article réagit à une triste réalité : selon une étude de l’IFOP pour le quotidien La Croix [1], 40 % des catholiques pratiquants ont voté pour l’extrême droite !
Vivant moi-même dans un quartier populaire de Seine et Marne , je ne suis pas sans savoir que l’intégration d’étrangers est un défi compliqué, en particulier quand lesdits étrangers arrivent en conquérants. Mais quand on parle de Christianisme, on parle -EN PRINCIPE- de l’exemple de Jésus qui a été un modèle extraordinaire d’accueil, de tolérance et d’amour.
Si j’approuve profondément le principe de séparation de l’église et de l’Etat, je crois tout aussi profondément que le devoir du Christianisme est de rappeler les valeurs, l’attitude et
le cadre éthique de son fondateur, au moins pour ne pas être instrumentalisé par des partis politiques qui par leur poujadisme, leur ethnocentrisme, leur obsession nationaliste, sont à l’opposé de ce que Jésus a enseigné.
Le Christianisme aux ordres, oui, mais du Christ !
Pasteur Jethro Camille - Le 19 avril 2022