Reflets d’actualité
Une approche chrétienne de l’actualité de la semaine
Chronique hebdomadaire produite par la Coordination des radios locales de France avec le concours de professeurs de la Faculté adventiste de théologie, de pasteurs et de chroniqueurs bibliques.
Semaine 2020-09 – Joël Fayard – « Transition nucléaire »
Ce WE du 22 février 2020, nous avons vécu en France, sans trop nous en rendre compte peut-être, un événement majeur. Je veux parler de la fermeture officielle et définitive de la centrale de Fessenheim. Cette fois c’est sûr, c’est la fermeture de cette centrale nucléaire. Souvent annoncée, toujours repoussée, elle va maintenant avoir lieu et cela se fera en deux temps. D’abord, l’arrêt du premier réacteur (c’était samedi 22 février), puis arrêt du deuxième réacteur le 30 juin de cette année. Et cela par parution au Journal Officiel. Cette fois, c’est donc scellé, écrit dans le marbre des archives de la république, Fessenheim c’est fini.
Beaucoup d’émotions autour de cette annonce, car c’est une première dans le nucléaire français. Et si c’est une victoire pour les uns, c’est une défaite pour les autres. Entre anti et pro nucléaire, la bataille dure depuis des années, chacun jusqu’au dernier moment ayant affûté ses arguments.
Pour les antis, c’est une victoire car, bien qu’au départ, cette technologie soit apparue comme une solution d’avenir, puisque propre, sans rejet dans l’atmosphère et offrant une indépendance énergétique sans équivalent face à la demande croissante d’énergie, suite au deux chocs pétroliers de 1973 et 79, cela semblait être LA solution. Et puis il a fallu déchanter, les déchets nucléaires radioactifs quasi inrecyclables et nuisibles pour les populations comme pour l’environnement et d’une durée de vie se chiffrant en milliers d’années se sont multipliés. Et puis aussi les deux accidents aux conséquences dramatiques que furent Tchernobyl et Fukushima et qui ont donné la mesure des véritables enjeux et dangers de cette technologie.
Pour les pro, eux, la centrale avait beaucoup d’avantages, car elle faisait vivre beaucoup de monde et sa fermeture aura de lourdes conséquences au niveau économique dans la région.
C’est Claude Brender, le maire de Fessenheim et à la tête des pro nucléaires qui s’exprime, avançant ses arguments. Les voici :
• Une partie des agents EDF va quitter la commune pour aller sur d'autres sites et nous perdons plus de 1 000 emplois indirects sur le site
• Ce sont plus 2 200 emplois supplémentaires, avec les induits et les indirects, qui seront supprimés avec la fermeture
• De nombreux commerces seront en souffrance.
• La commune aura une perte conséquente dans sa fiscalité
• La survie de 29 communes aux alentours est en jeu
• Comment est-ce qu'on va survivre après ?
Ce combat, on l'a perdu, regrette-t-il et il exprime sa colère devant ce qu’il appelle l’injustice de cette fermeture, ainsi que l'impréparation de celle-ci.
Si ses arguments économiques semblent bien sûr pertinents, car il y aura c’est sûr de vrais bouleversement et de vrais défis dans cette région, on peut tout de même s’étonner qu’aucun argument de prudence ou de précaution par rapport au nucléaire ne soit présent dans ses réflexions. Si d’aucuns estiment que la centrale est sûre, c’est tout à fait et heureusement juste et bien normal. Mais les responsables du fonctionnement, et qui ont un devoir de sécurité maximale vis-à-vis des populations locales comme envers le pays, rappellent que les coûts d’exploitation vont croissant pour la maintenir à ce niveau de performances.
Car entretenir une centrale nucléaire ayant 43 ans d’âge, puisque mise en service en 1977, et alors même que sa durée de vie ne devait pas excéder 30 ans, implique un entretien et des mises à jour qui se révèlent de plus en plus coûteuses. De plus, cette centrale, qui est depuis longtemps amortie, n’est quand même pas si sûre puisqu’elle se situe dans une zone sismique et en zone inondable.
Ce qui me frappe, c’est que c’est bien la population, les riverains de la centrale qui, faisant fi des arguments sécuritaires, ne prennent en compte que les aspects économiques.
Bien sûr, on peut comprendre ce souci face à l’emploi. Il n’est pas simple d’avoir et de conserver un emploi et vouloir le garder semble tout à fait justifié. Mais le faire envers et contre tous sans aucune réflexion sur les dangers encourus face à une installation ayant dépassé de presque quinze ans sa date de fonctionnement semble bien inconséquent.
Cela me fait penser à un autre événement qui s’est passé là aussi il y a quelques jours, le vendredi 21 février précisément, où les juges des référés ont rejeté la notion d'urgence, sur la demande faite par des habitants de Langouët, Ille-et-Vilaine et qui demandaient le respect des distances de sécurité pour répandre des pesticides à moins de 5, 10 et 20 mètres selon la nature des terrains, de la classification des produits et de l’exposition des habitations des riverains.
Ici, c’est la notion d’urgence que la justice a rejetée. Le dossier sur le fond sera bien étudié, mais en son temps, tranquillement, en temps voulu en somme. Cool les gars, il n’y a aucune urgence, pas de priorité à le faire. En attendant cette éventuelle interdiction ou au moins l’application de limites de distance pour les utiliser on peut donc continuer de répandre ces produits toxiques jusqu’au seuil des maisons. Que faudra-t-il donc dire à nos enfants ?
« Petits enfants, fermez bien les fenêtres de vos chambres, oui, celles qui donnent sur les champs voisins, car les tracteurs tournent et le vent souffle fort aujourd’hui ! »
Voici donc deux exemples où population, législateurs, politiques et riverains s’affrontent et se cherchent. Les uns pour préserver la vie et les autres l’emploi. Pourtant il n’y a pas d’un côté ceux qui ont tort, et de l’autre ceux qui ont raison, chacun apporte au débat une part qui doit être entendue, mais comment concilier ces argumentations qui semble s’opposer ?
Je ne veux surement pas dans cette chronique trancher et apporter de réponse personnelle, mais que ces quelques observations et réflexions nous aident à cibler nos priorités et à regarder en face ce monde qui appelle à l’aide et qui cherche désespérément comment survivre.
Joël Fayard – grandir@gmx.fr Chronique enregistrée le mardi 25 février 2020
• https://fr.news.yahoo.com/maire-fessenheim-col%C3%A8re-face-%C3%A0-104535932.html
• https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/environnement-fessenheim-plus-vieille-centrale-nucleaire-france-eteint-ce-week-end-79670/
• https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/distances-d-epandage-rejet-du-recours-d-urgence-des-maires-anti-pesticides_141554